Flux veineux portal hépatofuge : du normal au pathologique | Radiologie et imagerie diagnostique médicale | Science Repository | Open Access

Flux veineux portal hépatofuge : du normal au pathologique

A B S T R A C T

Qu’il soit segmentaire ou diffus, un flux sanguin hépatofuge est presque toujours pathologique. Au fil des années, l’échographie Doppler a conservé sa position comme l’une des techniques d’imagerie les plus accessibles et les plus physiologiques pour évaluer la direction du flux sanguin portal. La détection d’un flux inversé est importante car elle peut modifier la prise en charge et le résultat du patient.

Mots clés

Foie, hépatofugal, hépatopétal, veine porte principale

Introduction

Le foie est l’un des organes les plus vascularisés du corps humain. On estime que 10 à 15 % du volume sanguin total de l’organisme est contenu dans le foie. Son alimentation vasculaire est double avec environ 30% de sang artériel et 70% de sang veineux. Bien qu’il existe de nombreuses variations, l’afflux artériel (artère hépatique) provient généralement du tronc cœliaque et fournit du sang oxygéné. L’afflux veineux (veine porte) alimente le foie en sang désoxygéné drainé par les veines mésentériques supérieure et inférieure, la veine splénique, la veine gastrique gauche et la veine cystique (Figure 1a). Les sangs oxygénés et désoxygénés se mélangent dans les sinusoïdes hépatiques puis sont drainés dans les veines hépatiques et la veine cave inférieure vers la circulation systémique de sortie.

Le terme « hépatopetal » est utilisé pour décrire un flux sanguin qui est dirigé vers le foie alors que le terme « hépatofugal » signifie que le flux sanguin est dirigé loin du foie. Dans la circulation veineuse portale normale, le flux sanguin est hépatopétal et est dirigé du tractus gastro-intestinal, de la rate et du pancréas vers le foie (figure 1b). À quelques exceptions près, un flux hépatofuge dans le système veineux portal est toujours pathologique. La direction du flux sanguin est mieux démontrée par l’utilisation de l’échographie Doppler qui est une évaluation rapide, non invasive et physiologique. Cependant, elle peut également être évaluée par des techniques plus invasives comme l’angiographie. Un flux sanguin portal normal à l’échographie Doppler est laminaire (figure 1c). De légères ondulations liées aux mouvements respiratoires et aux battements cardiaques sont normales et fréquemment observées chez les jeunes patients (Figure 1d). La vitesse moyenne temporelle est comprise entre 20 cm/s et 40 cm/s dans la veine porte principale (VPM). La détection d’un flux portal hépatofugal est importante car il a été démontré qu’il est associé à un moins bon résultat clinique après une transplantation hépatique et à une diminution globale du taux de survie chez les patients cirrhotiques.

I Flux hépatofugal normal

Il n’existe que quelques rares situations dans lesquelles un flux portal segmentaire inversé peut être observé et considéré comme normal. La première se rencontre lorsqu’un patient transplanté hépatique a reçu un greffon de grande taille pour son gabarit. Dans cette situation, lorsque le patient est en position de décubitus dorsal, une veine porte gauche hépatofuge peut être observée à l’échographie Doppler. Lorsque le patient est tourné sur le côté gauche, la position du foie se déplace vers le centre et l’hémodynamique change. La résistance vasculaire de la veine porte gauche diminue et le flux sanguin précédemment hépatofuge devient hépatopétal (figure 2).

La deuxième situation dans laquelle il est considéré comme normal de trouver un flux portal segmentaire hépatofuge est celle des patients ayant un shunt portosystémique intrahépatique transjugulaire (TIPS). De plus, il a été démontré qu’un flux hépatopétal est hautement prédictif d’un shunt dysfonctionnel, en particulier si une échographie Doppler antérieure a rapporté un flux hépatofugal. L’objectif d’un TIPS est de réaliser une décompression portale en contournant le foie et sa résistance vasculaire pathologique élevée. Après avoir créé une voie de sortie alternative à faible résistance, le flux portal intrahépatique sera détourné, quitte à s’inverser, pour trouver son chemin vers la veine hépatique et la circulation systémique. Sur l’échographie Doppler, il faut s’attendre à trouver une vitesse plus élevée dans le MPV (> 40 cm/s), une vitesse systolique maximale > 50 cm/s dans le TIPS et au moins une veine porte principale hépatofugale selon la topographie du TIPS (figure 3).

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Figure 1 : anatomie normale et résultats de l’échographie Doppler. a) figure d’une vue antérieure de la vascularisation artérielle et veineuse du foie, b) figure de la circulation veineuse porte hépatopétale normale, c) image échographique Doppler d’une veine porte principale hépatopétale laminaire normale et d) image échographique Doppler de légères ondulations liées aux mouvements respiratoires et aux battements cardiaques chez un jeune patient. Notez la lésion hyperéchogène du lobe droit (hémangiome).

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Figure 2 : Patient ayant subi une transplantation hépatique. Vue inférieure du foie avec modifications des résistances vasculaires du décubitus dorsal au décubitus latéral gauche.

II Flux hépatofuge pathologique

Comme mentionné précédemment, à quelques exceptions près, un flux rétrograde dans le système veineux portal est toujours pathologique. Nous allons décrire les différentes causes d’un flux hépatofugal en les divisant en deux groupes. Le premier groupe décrira l’inversion focale ou segmentaire tandis que le second groupe traitera de l’inversion diffuse du flux portal.

Figure 3 : TIPS. a) Image échographique en mode B, b) image échographique Doppler d’un TIPS avec flux sanguin intra hépatique segmentaire et artefact de repliement dû à la vitesse élevée dans le TIPS et c) vitesse systolique de pointe normale >50 cm/s dans le TIPS.

III Inversion portale segmentaire

Un flux sanguin hépatofugal intra-hépatique peut être trouvé dans les deux lobes hépatiques droit et gauche. Le changement focal de la direction du flux sanguin est un indicateur d’un processus loco-régional affectant la résistance vasculaire du foie.

IV Shunt artério-portal

Les shunts artério-portaux (APS) consistent en une connexion anormale entre une artère d’alimentation à haute pression et une veine de drainage à basse pression. Ces shunts peuvent être tumoraux, par exemple dans le cas d’un hépatocarcinome (figure 4a) ou d’une métastase hépatique où ils résultent d’une invasion tumorale ou d’une compression tumorale de la veine hépatique, ou non tumoraux, par exemple après un traumatisme ou une biopsie hépatique chez un patient transplanté.

Figure 4 : Inversion portale segmentaire. a) figure et image échographique Doppler d’un hépatocarcinome dans un foie cirrhotique avec une veine de drainage hépatofugale, b) figure et image échographique en mode B d’une thrombose de la veine hépatique et c) image échographique Doppler dans un cas de syndrome de Budd Chiari. Notez la petite taille du foie droit, la veine porte principale hépatofuge et l’ascite.

V Transplantation hépatique – thrombose de la veine hépatique

La thrombose de la veine hépatique est rare et ne représente qu’environ 5% des complications vasculaires chez les patients transplantés du foie. Bien que rares, les obstructions veineuses peuvent survenir dans la période postopératoire ou comme une complication tardive liée au tissu cicatriciel. Cette entité doit être gardée à l’esprit lors de la réalisation d’une échographie Doppler car elle pourrait, si elle n’est pas traitée, conduire à une défaillance du greffon (Figure 4b).

VI Syndrome de Budd Chiari

Dans le syndrome de Budd Chiari, l’obstruction du flux sortant est également liée à la thrombose des veines hépatiques ou de la partie terminale de la veine cave inférieure . Ces obstructions résultent soit d’un thrombus cruorique, soit d’une extension endovasculaire tumorale. Les résultats échographiques dépendent du nombre de veines concernées et de la rapidité d’apparition. Lorsque l’obstruction est localisée en un seul endroit, l’échographie Doppler montre une inversion segmentaire de la veine porte alors que lorsque l’obstruction est diffuse, l’échographie montre des signes d’hypertension portale avec une inversion diffuse du flux portal (Figure 4c). En plus d’un flux sanguin hépatofuge, l’échographie Doppler peut démontrer l’absence de flux sanguin dans les veines hépatiques, les shunts hépatiques veino-veineux et l’hypertrophie du lobe caudé et de sa veine de drainage (le seul segment hépatique se drainant directement dans la veine cave inférieure).

VII Inversion portale diffuse

Le flux sanguin hépatofuge diffus est dans un indicateur d’hypertension portale. La cause la plus fréquente est la cirrhose du foie mais d’autres étiologies telles que l’insuffisance cardiaque congestive et l’insuffisance hépatique aiguë peuvent être responsables des mêmes résultats échographiques.

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Figure 5 : Inversion portale diffuse. a) Image échographique Doppler du flux sanguin hépatofuge diffus dans une cirrhose hépatique en phase terminale, b) figure d’un foie cirrhotique, c) image échographique Doppler d’une insuffisance cardiaque congestive légère et b) image échographique Doppler d’une insuffisance cardiaque congestive en phase terminale.

VIII Cirrhose et hypertension portale

La non-avance du flux portal chez les patients cirrhotiques est un signe d’hypertension portale avancée et d’insuffisance fonctionnelle hépatique avancée . Ces patients ont un taux de survie significativement plus faible que ceux qui ont un flux portal vers l’avant . Le mécanisme peut être expliqué par l’altération du parenchyme, le développement de la fibrose, l’augmentation de la résistance vasculaire hépatique et le développement d’une obstruction de la petite veine hépatique et de shunts artério-portaux diffus (Figure 5a, 5b). Dans les premiers stades de la cirrhose, la vitesse systolique maximale tombe en dessous de 20 cm/s dans le MPV. Avec le temps, et en corrélation avec la progression de la maladie et le score Child-Plug, la vélocité diminue encore plus (

IX Insuffisance cardiaque congestive avec régurgitation tricuspide

Le mécanisme chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque est différent. En effet, chez les patients cirrhotiques, l’augmentation de la résistance vasculaire se retrouve au sein du foie. Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive, l’augmentation des résistances vasculaires se situe sur les voies de sortie du foie : les veines hépatiques et la veine cave inférieure. A l’échographie Doppler, le flux sanguin portal présente des ondulations qui proviennent de la transmission des battements cardiaques (Figure 5c, 5d).

X Insuffisance hépatique aiguë

L’insuffisance hépatique fulgurante est caractérisée par une atteinte hépatique aiguë en l’absence de maladie hépatique chronique sous-jacente. De nombreuses causes peuvent conduire à une insuffisance hépatique aiguë et le diagnostic n’est pas toujours évident. A l’échographie Doppler en temps réel, on peut retrouver un VPM hépatofuge, une diminution de l’échogénicité du foie et un parenchyme hétérogène.

XI Hépatite aiguë médicamenteuse

L’hépatite aiguë médicamenteuse est provoquée par une quantité toxique d’un certain médicament, d’une toxine ou d’un complément (vitamine, plantes). Le diagnostic est essentiellement établi sur l’histoire clinique, l’histoire de la consommation de médicaments et les tests de laboratoire mais les médecins peuvent vouloir exclure une obstruction biliaire et prescrire une échographie.

XII Transplantation hépatique – rejet cellulaire aigu

Le rejet cellulaire aigu est rare mais reste une cause importante d’augmentation de la mortalité chez les patients transplantés du foie . Le mécanisme est complexe avec une importante infiltration inflammatoire le long du tractus portal ainsi qu’une cholangite et une endothéliose (veinulite). Bien que le gold standard reste la biopsie hépatique, l’échographie Doppler est utile pour le diagnostic différentiel (complications vasculaires et biliaires). En cas de rejet cellulaire aigu, l’espace périportal est hyperéchogène avec un VPM de vélocité diminuée ou un VPM hépatofugal. On peut également noter une hépatomégalie, une atténuation des canaux biliaires intra-hépatiques et une atténuation des branches intra-hépatiques de l’artère hépatique.

XIII Syndrome d’obstruction sinusoïdale hépatique

Le syndrome d’obstruction sinusoïdale est caractérisé par une occlusion non thrombotique des veinules hépatiques terminales et des sinusoïdes hépatiques. Le rétrécissement luminal, causé par la lésion et le gonflement des cellules de l’endothélium, est responsable d’une augmentation de la résistance vasculaire et, par conséquent, de l’hypertension portale. Les premières manifestations à l’échographie Doppler sont une diminution de la vitesse de la veine porte principale, une hépatomégalie, un épaississement de la paroi de la vésicule biliaire, une augmentation rapide de la taille de la rate et une ascite. Avec le temps, et en corrélation avec la gravité de la maladie, l’échographie Doppler peut montrer une inversion du flux portal.

Conclusion

En accord avec les études récentes et la meilleure compréhension de la vascularisation complexe du foie, l’échographie Doppler reste l’une des techniques d’imagerie les plus accessibles et physiologiques pour évaluer le système veineux portal. A quelques exceptions près, un flux sanguin hépatofuge, qu’il soit segmentaire ou diffus, est toujours pathologique et sa détection est importante car elle joue un rôle important dans la prise en charge et le devenir du patient.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs donnent leur accord pour la publication et ne signalent aucun conflit d’intérêts.

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