Un antidote universel à l’héparine avec un effet négligeable sur la fibrine(ogène) et la coagulation plasmatique

Contexte et objectif

Les anticoagulants jouent un rôle central dans le traitement des troubles thromboemboliques. Les hémorragies chez les patients chirurgicaux recevant des anticoagulants sont une préoccupation majeure. Des antidotes sont administrés pour contrer l’anticoagulation et rétablir une hémostase normale. À ce jour, le sulfate de protamine (PS), un polypeptide cationique, est le seul antidote cliniquement approuvé pour l’héparine non fractionnée. Le PS a des effets secondaires toxiques et des limites. L’incapacité du PS à inverser complètement les héparines de faible poids moléculaire et le fondaparinux est due à sa faible affinité de liaison avec ces médicaments. Cependant, le PS interagit avec les protéines de la coagulation telles que le fibrinogène pour former des agrégats qui entraînent des effets indésirables cardiovasculaires. Récemment, nous avons mis au point un agent synthétique universel d’inversion de l’héparine (UHRA) ayant une grande affinité de liaison avec les héparines. Des études in vivo ont révélé que l’UHRA inverse complètement l’activité de tous les anticoagulants parentéraux disponibles en clinique et qu’il est non toxique. Cette étude vise à démontrer la nature non toxique de l’UHRA en évaluant son influence sur le fibrinogène, l’architecture du caillot de fibrine, la coagulation du plasma et la lyse du caillot.

Méthodes

L’UHRA a été développé en incorporant des groupes de liaison à l’héparine à base d’amine tertiaire sur un échafaudage de polyglycérol hyperbranché dendritique et en le coiffant de chaînes de méthoxy polyéthylène glycol. Des essais de recalcification et de coagulation turbidimétrique du plasma initiés par le facteur tissulaire (TF) ont été réalisés pour comprendre l’impact de l’UHRA sur le système de coagulation. L’interaction de l’UHRA sur le fibrinogène a été étudiée par un test d’agrégation du fibrinogène, un test de polymérisation de la fibrine et par une analyse spectroscopique (fluorescence et dichroïsme circulaire (CD)). L’influence de l’UHRA sur l’architecture des caillots de fibrine a été évaluée par microscopie électronique à balayage (MEB). La neutralisation des anticoagulants (héparines) par l’UHRA a été étudiée par un test fluorogénique de génération de thrombine (TGA) dans le plasma riche en plaquettes (PRP) humain. La lyse du caillot plasmatique induit par le TF contenant de l’UHRA ou du PS exposé à l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) exogène a été étudiée par un test turbidimétrique.

Résultats et discussion

Les résultats des tests de coagulation du plasma ont montré que l’UHRA n’a pas modifié les paramètres de coagulation par rapport au PS (temps de latence initié par le TF et absorbance maximale, contrôle vs UHRA 200 mcg/mL, p=0.21 et 0,16, respectivement ; temps de latence et absorbance maximale lors de la recalcification, contrôle vs UHRA 200 mcg/mL, p=0,08 et 0,13, respectivement) suggérant que l’UHRA n’a aucun effet sur le système de coagulation à la concentration étudiée (Figure 1). Contrairement à la protamine, le test d’agrégation du fibrinogène et de polymérisation de la fibrine n’a pas été influencé par l’UHRA sur une large gamme de concentrations allant de 0,05mg/mL à 1mg/mL. Les mesures d’extinction de la fluorescence du tryptophane (figure 2) et les mesures de la structure secondaire du fibrinogène corroborent le fait que l’UHRA n’interagit pas avec le fibrinogène. Les résultats sont très différents de ceux du PS et d’autres polymères cationiques synthétiques qui interagissent avec le fibrinogène en provoquant une agrégation et des changements de conformation. Les caillots de fibrine générés en présence d’UHRA (même à 0,5 mg/mL) présentent une structure similaire et la taille des fibres reste la même que celle du caillot de fibrine normal (contrôle vs caillot UHRA 0,5 mg/mL, p= 0,12) (Figure 3). En revanche, les caillots de fibrine formés en présence de 0,05 mg/mL de PS (dose clinique) ont augmenté la taille des fibres et modifié la structure du caillot de façon spectaculaire (contrôle vs caillot de PS 0,05 mg/mL, p< 0,0001). Nos études sur la lyse du caillot de plasma en présence de t-PA exogène démontrent que l’UHRA n’a pas augmenté la dégradation du caillot contrairement à la protamine. L’UHRA a restauré les niveaux de thrombine dans le PRP anticoagulé (hépariné) démontrant l’efficacité.

Conclusion et signification

Nos études démontrent que l’antidote universel de l’héparine, l’UHRA, a un impact négligeable sur le fibrinogène, la polymérisation de la fibrine, la structure du caillot, la dégradation du caillot et le système de coagulation révélant leur excellente hémocompatibilité par rapport à la protamine. Nos résultats soutiennent le fait que l’UHRA pourrait être un antidote idéal pour rétablir l’hémostase après des procédures chirurgicales invasives et pour faire face aux complications hémorragiques par les anticoagulants à base d’héparine.

Figure 1

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Figure 3

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Figure 2

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Disclosures

Aucun conflit d’intérêt pertinent à déclarer.

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