Rivalité royale : Diane de Poitiers et Catherine de Médicis

La France est célèbre – ou peut-être tristement célèbre – pour être un pays de passion et de déchirements, de liaisons dangereuses et de failles romantiques. Pourtant, parmi les nombreuses histoires de paramours parisiens et de lotharios de la Loire, la rivalité royale entre Diane de Poitiers et Catherine de Médicis reste l’une des histoires les plus scandaleuses et torrides du XVIe siècle.

Nous serions négligents sans mentionner que, comme c’est généralement le cas avec l’histoire, le récit de ces deux femmes a été enregistré et interprété par des hommes – une note qu’il faut toujours garder à l’esprit. Nous nous sommes assis avec l’historienne de l’art et spécialiste du portrait italien Sandra Laville pour approfondir la vérité derrière la relation tumultueuse entre ces deux femmes fatales – installez-vous pour l’une des rivalités les plus alléchantes de l’histoire :

Anonyme, Bal brésilien pour Catherine de Médicis et Henri II à Rouen (1550)

Selon l’histoire, la reine Catherine et Diane – la maîtresse préférée du roi Henri II – se détestaient royalement et ont passé la majeure partie de leur vie à se disputer l’attention du roi et de ses courtisans. Les deux femmes ont passé du temps avec Henri II au célèbre château de Chenonceau dans la vallée de la Loire, un château dont les murs peuvent être décodés pour révéler les scandales et les secrets des femmes qui l’ont habité (un sujet brûlant lors de notre excursion dans la vallée de la Loire).

Diane de Poitiers

Alors, qui était Diane de Poitiers ?

Laville remarque : « elle faisait presque partie de la famille royale ! ». À seize ans, Diane arrive à la cour de France et on dit qu’elle dégage une beauté irisée rivalisant avec celle de Diane, déesse de la lune. Louée comme « la belle des belles », elle attire rapidement l’attention de nombreux nobles et du prince Henri. Le jeune prince, de vingt ans le cadet de Diane, affirme n’avoir jamais ressenti l’amour avant que l’énigmatique noble ne le prenne sous son aile. Elle devint finalement le mentor et la maîtresse du jeune prince, et fut un élément permanent de la cour française depuis son enfance jusqu’à son règne en tant que roi Henri II.

Catherine de Médicis

Et la reine Catherine de Médicis ?

Connue moins pour son physique que pour son approche d’une main de fer de la gestion du trône de France, Catherine gagne rapidement le surnom de « la reine noire ». Comme c’est souvent le cas pour les femmes de pouvoir, il peut être difficile de distinguer la vraie nature de Catherine des tendances misogynes des narrateurs de l’histoire, mais nous savons que Catherine a quitté Florence pour la France à un jeune âge, en route vers son mariage arrangé avec le prince Henri. La jeune femme fait preuve d’un goût dispendieux et raffiné pour l’art dès son plus jeune âge et impressionne grandement son futur beau-père, le roi François Ier. Laville estime que « François Ier était très impressionné par les connaissances artistiques de Catherine et par son niveau de sophistication ; elle avait grandi dans la maison des Médicis et connaissait parfaitement l’art romain antique, ainsi que la sculpture et la peinture contemporaines. Elle avait un très bon goût et un très bon œil pour la qualité : pas mal pour une « simple » fille ». Malgré son rôle sanglant dans les guerres de religion, Catherine sera largement célébrée comme une intellectuelle et une collectionneuse, avec un intérêt particulier pour le portrait. Ironiquement, sa collection privée contient plusieurs images captivantes de Diane de Poitiers.

La rivalité : Henri II et Diane, Henri II et Catherine

La relation entre le roi Henri II et Diane de Poitiers a sans doute été romancée au fil du temps, cependant il existe des attestations tangibles de leur amour incrustées dans les murs du Louvre, du château de Chenonceau, et même sur les canons et les armes militaires fabriqués sous le règne d’Henri. Comme le font tous les grands rois, Henri II crée un insigne pour marquer ses contributions à la France et afficher son omniprésence sur son royaume. À première vue, le symbole semble être deux C entrelacés qui se chevauchent pour former un H – une notation du règne du roi Henri II et de sa reine, Catherine. Cependant, Henri II a chiffré avec insolence une sorte de double sens dans sa marque : elle peut aussi être interprétée comme deux D entrelacés avec un trait au milieu formant un H. Le roi, qui attestait ouvertement son amour pour sa  » favorite « , allait même jusqu’à signer des documents et des lettres sous le nom de  » HenriDiane « , se considérant avec sa maîtresse comme un seul être.

Le symbole royal d’Henri II de France, vu au château de Chenonceau

La reine Catherine était loin d’être naïve face à cette relation : elle aurait passé l’intégralité de sa vie conjugale à jalouser l’autre femme. La quête de Catherine pour affirmer sa domination sur Diane est clairement marquée par le symbolisme que l’on retrouve dans la chambre de cette dernière au château de Chenonceau. La reine matriarcale a choisi de faire suspendre au-dessus de la cheminée un grand portrait d’elle-même, présidant à la chambre de la maîtresse. De plus, Catherine est tourmentée par l’ironie du fait que lorsque les initiales d’Henri II et les siennes sont entrelacées, cela forme un D, ce qui lui fait inévitablement penser à Diane. C’est pourquoi, sur le manteau de la cheminée de la chambre, la reine choisit délibérément de séparer le H et le C pour rappeler de façon flagrante à Diane sa place inférieure à la cour de France. Le coup de grâce de Catherine ? La seule trace de symbolisme représentatif de Diane est une petite statue en bronze de la déesse Diane placée avec jactance à côté du lit.

« En ce qui concerne la rivalité entre les deux femmes, conclut Laville, je pense qu’il s’agit surtout d’un mythe, pas tellement fondé historiquement. » Peut-être en est-il ainsi, mais comme beaucoup de grandes histoires d’amour, celle-ci a une fin tragique : en 1559, Henri II est mortellement blessé dans un tournoi de joute. Dans ses derniers instants, il porte les rubans de Diane et non ceux de la reine. À l’heure de sa mort, la reine refuse de laisser Diane voir le roi, affirmant ainsi son pouvoir sur les amants dans les derniers moments de leur relation. En accord avec le flair italien et français pour la passion, la reine Catherine bannit Diane de Chenonceau, la condamnant à vivre le reste de ses jours dans l’obscurité dans un château à Anet.

Tombeau d’Henri II de France et de Catherine de Médicis, dans la Basilique de Saint Denis à Paris

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