Présidence de George Washington
Politique post-révolutionnaire
Envisageant la condition politique chaotique des États-Unis après 1783 avec un franc pessimisme et déclarant (18 mai 1786) que « quelque chose doit être fait, ou le tissu doit tomber, car il est certainement chancelant », Washington écrit à plusieurs reprises à ses amis pour les inciter à prendre des mesures en vue d’une « union indissoluble ». Au début, il pensait que les articles de la Confédération pourraient être modifiés. Plus tard, notamment après le choc de la rébellion de Shays, il estima qu’une réforme plus radicale était nécessaire, mais il doutait encore, à la fin de l’année 1786, que le moment soit venu. Sa progression vers l’adoption de l’idée d’une convention fédérale fut, en fait, d’une lenteur déconcertante. Bien que John Jay lui ait assuré en mars 1786 que l’éclatement de la nation semblait proche et que l’opinion en faveur d’une convention constitutionnelle se cristallisait, Washington resta sans engagement. Mais, malgré de longues hésitations, il soutint sérieusement la proposition d’un impôt fédéral, avertissant les États que leur politique devait décider « si la Révolution doit finalement être considérée comme une bénédiction ou une malédiction ». Et ses nombreuses lettres adressées aux principaux hommes du pays ont grandement contribué à former un sentiment favorable à une union plus parfaite. Un accord étant nécessaire entre la Virginie et le Maryland concernant la navigation du Potomac, des commissaires des deux États s’étaient réunis à Mount Vernon au printemps 1785 ; de cette graine naquit la convention fédérale. Washington approuva à l’avance l’appel à une réunion de tous les États à Philadelphie en mai 1787 pour « rendre la Constitution du gouvernement fédéral adéquate aux exigences de l’Union ». Mais il hésite à nouveau à y participer, d’une part parce qu’il se sent fatigué et infirme, d’autre part parce qu’il doute du résultat. Bien qu’il ait espéré jusqu’au bout être excusé, il fut choisi comme l’un des cinq délégués de la Virginie.
Washington arrive à Philadelphie le 13 mai, la veille de l’ouverture de la Convention constitutionnelle, et dès que le quorum est atteint, il est choisi à l’unanimité comme son président. Pendant quatre mois, il préside la convention, ne rompant son silence qu’une seule fois sur une question mineure de répartition du Congrès. Bien qu’il ait peu parlé lors des débats, personne n’a fait plus à l’extérieur de la salle pour insister sur des mesures sévères. « Mon souhait, écrit-il, est que la convention n’adopte pas d’expédients provisoires, mais qu’elle aille au fond des défauts de la Constitution et y apporte un remède radical. » Son poids de caractère fit plus que toute autre force unique pour amener la convention à un accord et obtenir la ratification de l’instrument par la suite. Il ne le croyait pas parfait, bien que ses critiques précises à son égard soient inconnues. Mais son soutien lui a permis de remporter la victoire en Virginie, où il a envoyé des copies à Patrick Henry et à d’autres chefs de file avec une allusion au fait que l’alternative à l’adoption était l’anarchie, déclarant que « l’union ou la désunion est devant nous pour choisir ». Il reçoit et fait personnellement circuler des exemplaires du Fédéraliste. Lorsque la ratification est obtenue, il écrit aux dirigeants des différents États pour les exhorter à faire élire au Congrès des hommes qui y sont fermement favorables. Pendant un temps, il crut sincèrement que, le nouveau cadre étant achevé, il serait autorisé à se retirer à nouveau dans la vie privée. Mais tous les regards se tournèrent immédiatement vers lui pour le premier président. Lui seul commandait le respect des deux partis engendré par la lutte pour la ratification, et lui seul serait capable de donner du prestige à la république dans toute l’Europe. Dans aucun État, aucun autre nom n’a été envisagé. Les électeurs choisis dans les premiers jours de 1789 ont voté unanimement pour lui, et à contrecœur – car son amour de la paix, sa méfiance à l’égard de ses propres capacités, et sa crainte que ses motifs en faveur du nouveau gouvernement puissent être mal interprétés, tout cela le rendait réticent – il a accepté.
Le 16 avril, après avoir reçu la notification de l’honneur par le Congrès, il est parti de Mount Vernon, atteignant New York à temps pour être inauguré le 30 avril. Son voyage vers le nord fut un cortège de célébration, les gens de chaque ville et village qu’il traversa se tournant vers lui pour l’accueillir, souvent avec des bannières et des discours, et dans certains endroits avec des arcs de triomphe. Il a traversé le fleuve Hudson dans une barge spécialement construite et décorée en rouge, blanc et bleu. La cérémonie d’investiture a lieu sur Wall Street, près de l’endroit où se trouve aujourd’hui la statue de Washington érigée par John Quincy Adams Ward. Une grande foule éclata en acclamations lorsque, debout sur le balcon du Federal Hall, il prêta le serment du chancelier Robert Livingston et se retira à l’intérieur pour lire au Congrès son discours inaugural. Washington était vêtu d’un costume marron de fabrication américaine, mais il portait des bas blancs et une épée selon la mode des cours européennes.
Martha était aussi réticente que son mari à reprendre la vie publique. Mais un mois plus tard, elle vint de Mount Vernon pour le rejoindre. Elle aussi fut accueillie sauvagement sur son chemin. Et quand Washington a traversé l’Hudson pour l’emmener à Manhattan, les canons ont retenti en guise de salut. Les Washington, sous le feu des critiques publiques, se déplaçaient dans un carrosse à quatre places comme des monarques. De plus, pendant sa présidence, Washington ne serra pas la main et rencontra ses invités lors des cérémonies d’État en se tenant debout sur une plate-forme surélevée et en exhibant une épée à la hanche. Lentement, à tâtons, Washington définissait le style du premier président d’un pays dans l’histoire du monde. Le peuple, lui aussi, s’adaptait à un gouvernement sans roi. Même la question de savoir comment s’adresser à un président devait être discutée. Il fut décidé que dans une république, la simple salutation « Monsieur le Président » ferait l’affaire.
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