Organismes génétiquement modifiés

Évolution de la législation sur les OGM en Europe

Lorsque les organismes génétiquement modifiés sont entrés sur le marché alimentaire européen en 1996, deux directives du Conseil étaient en vigueur. La directive 90/219/CEE (Conseil des Communautés européennes, 1990a) concernant l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (par exemple, recherche, applications industrielles, etc. dans un confinement) et la directive 90/220/CEE (Conseil des Communautés européennes, 1990b) réglementant la dissémination volontaire dans l’environnement (essais en champ de culture) ainsi que la mise sur le marché des OGM.

Pour faire face à cette émergence de variétés transgéniques sur le marché européen et garantir les droits du consommateur à choisir entre les aliments génétiquement modifiés et les autres, le règlement (CE) 258/97 (Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, 1997) relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires fixe les règles d’autorisation et d’étiquetage des nouveaux aliments, y compris les produits alimentaires contenant des OGM, consistant en de tels organismes ou produits à partir d’OGM. Comme deux produits génétiquement modifiés (le soja Round-up Ready® et le maïs BT-176) avaient été mis sur le marché avant l’entrée en vigueur du règlement sur les nouveaux aliments en 1997, un règlement spécifique sur l’étiquetage a été établi en 1998 (CE) n° 1139/98 (Conseil de l’Union européenne, 1998). Ce règlement exige un étiquetage si de l’ADN transgénique ou des protéines nouvellement exprimées peuvent être trouvés (Bonfini et al., 2002). Le règlement sur l’étiquetage a été modifié deux ans plus tard par le règlement (CE) 49/2000 (Commission des Communautés européennes, 2000), fixant un seuil de 1 % pour la contamination accidentelle de matériel génétiquement modifié dans un milieu non génétiquement modifié. Afin d’établir que la contamination était fortuite, les exploitants doivent fournir la preuve que des mesures appropriées ont été prises pour éviter la contamination.

Depuis l’entrée en vigueur de la directive 90/220/CEE en octobre 1991, 18 OGM ont été autorisés à des fins commerciales dans l’UE, y compris des produits alimentaires produits à partir d’un soja GM, de cinq maïs GM et de deux graines de coton GM (Commission européenne, 2007a). En octobre 1998, un moratoire (octobre 1998-avril 2004) a été établi et aucune autre autorisation n’a été accordée au titre de la directive 90/220/CEE, bien qu’il y ait eu 13 demandes en attente au moment de son abrogation. Entre-temps, la législation européenne sur les OGM a été renouvelée et étendue. La directive 90/219/CEE a été remplacée par la directive 98/81/CE du Conseil pour l’utilisation confinée, et le 17 octobre 2002, la directive 90/220/CEE sur la dissémination volontaire a été abrogée par la nouvelle directive actualisée 2001/18/CE (Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, 2001). Cette directive, mise en œuvre dans chaque État membre par des réglementations nationales, traite des essais en champ, c’est-à-dire des disséminations volontaires effectuées à des fins expérimentales, et des dispositions relatives à la commercialisation des OGM. Cette nouvelle directive introduit une procédure plus efficace et plus transparente pour l’octroi du consentement à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement. La consultation du public, l’étiquetage des OGM, la traçabilité et la surveillance après commercialisation ont également été rendus obligatoires.

Pendant la période de moratoire, vingt notifications ont été reçues au titre de la directive 2001/18/CE, en plus de dix demandes d’aliments génétiquement modifiés déjà en cours (Commission européenne, 2007a).

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), située à Parme (Italie), instituée par le règlement (CE) n° 178/2002 (Parlement européen et Conseil, 2002), évalue la sécurité des organismes génétiquement modifiés avant qu’ils puissent être autorisés à être utilisés comme denrées alimentaires ou aliments pour animaux et/ou à être cultivés dans l’UE. En outre, l’EFSA fournit des conseils scientifiques et un soutien technique à la législation et aux politiques de la communauté dans tous les domaines qui ont un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et communique sur les risques (Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), 2018).

La stratégie d’évaluation des risques de l’EFSA prend donc en compte les caractéristiques de l’organisme récepteur (ou de l’organisme parent), le matériel génétique inséré, l’organisme final produit, l’environnement récepteur et l’interaction entre l’OGM et l’environnement. Les effets néfastes potentiels des OGM comprennent les effets directs ou indirects, immédiats ou différés, compte tenu de tous les effets cumulatifs, et à long terme sur la santé humaine et l’environnement qui peuvent résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d’OGM. Les risques potentiels associés aux produits génétiques nouvellement exprimés (par exemple, les protéines toxiques ou allergènes) et la possibilité de transfert de gènes (par exemple, les gènes de résistance aux antibiotiques) sont abordés. Toutes les cultures biotechnologiques sont soumises à une batterie de tests et à un examen réglementaire avant leur commercialisation. Le coût de la mise en conformité avec le système actuel d’approbation réglementaire pour l’évaluation de la sécurité des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et de l’environnement avant leur mise sur le marché est d’environ 7 à 15 millions d’euros par produit (Kalaitzandonakes et al., 2007). La charge financière repose sur l’entreprise de biotechnologie qui souhaite entrer sur le marché de l’UE.

Depuis avril 2004, deux autres règlements sont entrés en vigueur. Le champ d’application du règlement (CE) 1829/2003 s’étend non seulement aux OGM destinés à l’alimentation humaine mais aussi à ceux destinés à l’alimentation animale, qui étaient jusqu’alors couverts par la directive 90/220/CEE. Ces propositions retirent tous les OGM et les ingrédients ou produits dérivés du champ d’application du règlement sur les nouveaux aliments (258/97).

Comme caractéristique principale, le règlement 1829/2003 (Union européenne, 2003a) introduit l’approche « une porte – une clé », où une seule autorisation couvre à la fois l’utilisation en tant que denrées alimentaires et en tant qu’aliments pour animaux, comblant ainsi le vide juridique pour l’approbation des produits destinés à l’alimentation animale. Le seuil d’étiquetage a été abaissé à 0,9 % pour la contamination fortuite et techniquement inévitable d’OGM dans un milieu non génétiquement modifié, par exemple en raison d’une contamination croisée lors de la récolte, du transport, du stockage ou de la production. Pour les OGM susceptibles d’être disséminés dans l’environnement, une évaluation des risques pour l’environnement conforme aux principes énoncés dans la directive (CE) 2001/18 est obligatoire. En outre, le demandeur doit fournir une méthode de détection spécifique à l’événement en question. L’évaluation des risques pour l’environnement et la sécurité alimentaire sera effectuée par l’EFSA. Les méthodes de détection ainsi que le matériel de référence doivent être fournis par le demandeur. Ces méthodes doivent non seulement être capables de détecter la présence éventuelle d’un OGM dans une matrice alimentaire, mais aussi d’identifier l’événement spécifique et de quantifier la quantité d’OGM présente. Le laboratoire de référence de l’Union européenne pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (EU-RL GMFF) est responsable de l’évaluation scientifique et de la validation des méthodes de détection fournies pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’UE. L’EU-RL GMFF est soutenu par le Réseau européen de laboratoires de référence pour les OGM (ENGL) et hébergé par le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne. Le réseau a été inauguré en 2002 et il se compose actuellement de 95 laboratoires nationaux d’application, issus des 28 États membres de l’UE plus la Norvège, la Suisse et la Turquie (European Network of GMO Laboratories, 2018). La mission du CCR est de fournir un soutien scientifique et technique orienté vers le client pour la conception, le développement, la mise en œuvre et le suivi des politiques de l’UE. En tant que service de la Commission européenne, le CCR fonctionne comme un centre de référence scientifique et technologique pour l’Union. Proche du processus d’élaboration des politiques, il sert l’intérêt commun des États membres, tout en étant indépendant des intérêts particuliers, qu’ils soient privés ou nationaux. Le CCR est situé à Ispra (Italie).

Le deuxième règlement en vigueur depuis en avril 2004, le règlement (CE) 1830/2003 (Union européenne, 2003b), concerne la traçabilité et l’étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l’alimentation humaine et animale produits à partir d’OGM. Elle met en place des règles visant à garantir que les produits contenant des OGM et les produits destinés à l’alimentation humaine et animale qui en sont dérivés puissent être tracés à toutes les étapes de la chaîne de production et de commercialisation.

La traçabilité, c’est-à-dire la capacité de suivre les OGM et les produits à base d’OGM à toutes les étapes de la chaîne de production et de distribution, est un élément essentiel pour fournir aux consommateurs et à l’industrie alimentaire des informations et des précautions concernant les aliments dérivés d’OGM et les produits à base d’OGM. Les opérateurs doivent conserver les informations de chaque transaction pendant cinq ans et être en mesure d’identifier l’opérateur par qui et à qui les produits ont été mis à disposition. Chaque opérateur doit tenir des registres et présenter les informations disponibles aux autorités compétentes sur demande. Les produits dérivés d’OGM doivent être étiquetés, même s’ils ne contiennent plus aucune trace d’ADN ou de protéines résultant de la modification génétique. Toutefois, conformément aux règles générales de l’UE en matière d’étiquetage, le règlement (CE) n° 1829/2003 n’exige pas l’étiquetage de produits tels que la viande, le lait ou les œufs provenant d’animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés. En application de ce règlement, une tolérance zéro est légalement en vigueur pour la présence d’OGM non autorisés et de leurs dérivés dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. Le règlement s’applique automatiquement et ne nécessite pas de transposition en droit national.

Afin de garantir le respect des normes élevées fixées par l’Union européenne (UE), des contrôles officiels sont effectués selon les prescriptions du règlement (CE) n° 882/2004 (Conseil de l’Union européenne, 2004). À compter du 14 décembre 2019, les contrôles officiels dans la chaîne alimentaire, y compris les contrôles des OGM dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, seront effectués en vertu du nouveau règlement relatif aux contrôles officiels (RCO), le règlement (UE) 2017/625 (Parlement européen et Conseil, 2017). La vérification du respect de la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires, des règles relatives à la santé animale et au bien-être des animaux ainsi que la mise en œuvre intégrale des différents actes législatifs relèvent de la responsabilité des États membres. Les autorités nationales sont tenues d’effectuer des inspections et des contrôles pour s’assurer que les règles de mise sur le marché et d’étiquetage sont respectées. L’ENGL joue un rôle éminent dans le développement, l’harmonisation et la normalisation des méthodes d’échantillonnage, de détection, d’identification et de quantification des OGM dans une grande variété de produits, allant des semences et des céréales aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux.

Les OGM mis sur le marché doivent également être surveillés par le titulaire de l’autorisation afin de détecter l’apparition éventuelle d’effets non intentionnels liés aux OGM. Les titulaires de l’autorisation doivent envoyer un rapport de surveillance post-commercialisation à la Commission européenne chaque année, pendant toute la durée de l’autorisation. La surveillance de routine est considérée comme nécessaire par précaution lorsqu’il existe des incertitudes résiduelles découlant de l’évaluation de la sécurité avant la mise sur le marché et pour détecter des effets imprévus (de Santis et al., 2018). Par conséquent, toutes les demandes de dissémination volontaire dans l’environnement ou de commercialisation d’OGM en tant que denrées alimentaires, aliments pour animaux et produits dérivés, doivent prévoir une surveillance après commercialisation pour chaque OGM. Selon l’annexe VII de la directive 2001/18/CE :  » L’objectif d’un plan de surveillance est de :

i)

Confirmer que toute hypothèse concernant l’occurrence et l’impact des effets négatifs potentiels de l’OGM ou de son utilisation dans l’évaluation des risques pour l’environnement (e.r.a.) sont correctes, et

ii)

Identifier l’apparition d’effets néfastes de l’OGM ou de son utilisation sur la santé humaine ou l’environnement qui n’ont pas été anticipés dans l’e.r.a. »

La culture des OGM est cependant substantiellement interdite en Europe. Pour tenter de briser la politique européenne anti-OGM, la Commission a proposé le 13 juillet 2010 d’accorder aux États membres la liberté d’autoriser, de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM sur tout ou partie de leur territoire. L’objectif de cette approche était d’approuver la culture en Europe mais en laissant aux États membres la possibilité d’interdire la culture au niveau régional ou national. Ces efforts ont conduit à la publication de la directive (UE) 2015/412 (Conseil de l’Union européenne, 2015) en mars 2015 modifiant la directive (CE) 2001/18. Le nouveau règlement donnera aux États membres une plus grande marge de manœuvre en tenant compte de leurs spécificités locales, régionales et nationales lors de l’adoption de mesures sur la coexistence des cultures.

La directive définit deux phases distinctes pour l’interdiction de la culture d’un OGM. La première phase permet à l’EM, avant même que l’acte législatif autorisant la culture ne soit voté, d’exiger que la portée géographique de l’autorisation ou du consentement écrit soit adaptée de manière à ce que tout ou partie du territoire de cet État membre soit exclu de la culture. L’EM ne doit pas motiver sa demande de restriction. Si cette demande est acceptée par le demandeur, c’est-à-dire l’industrie agro-alimentaire qui commercialise les semences, l’interdiction sera intégrée dans la législation. La deuxième phase permet à l’EM de promulguer une telle interdiction après que l’OGM soit autorisé à être cultivé dans l’UE. Dans ce cas, l’EM doit fournir des raisons, autres que celles évaluées par l’EFSA, pour justifier son approche. Ces raisons peuvent être liées à des objectifs de politique environnementale ou agricole, ou à d’autres motifs impérieux tels que l’aménagement du territoire, l’utilisation des sols, les impacts socio-économiques, la coexistence et l’ordre public. Ces motifs peuvent être invoqués individuellement ou en combinaison, en fonction des circonstances particulières de l’État membre, de la région ou de la zone dans laquelle ces mesures s’appliqueront.

Enfin, il est important de noter que seuls les OGM destinés à la culture sont concernés, et non les OGM autorisés pour la consommation humaine ou animale. Les États membres pourront désormais restreindre ou interdire la culture d’OGM sur tout ou partie de leur territoire sans avoir à invoquer la clause de sauvegarde. Cette dernière peut être invoquée par un État membre sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou supplémentaires devenues disponibles depuis la date de l’autorisation et si l’évaluation des risques pour l’environnement est affectée. Dans ce cas, un OGM ou un produit qui a été dûment notifié et a reçu une autorisation écrite au titre de la présente directive constitue un risque pour la santé humaine ou l’environnement, l’État membre peut provisoirement restreindre ou interdire l’utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire.

En décembre 2008, le Conseil a adopté des conclusions sur les OGM soulignant la nécessité de mettre à jour et de renforcer l’évaluation des risques environnementaux des OGM tels que définis dans la directive (CE) 2001/18, notamment en ce qui concerne l’évaluation des effets à long terme sur l’environnement. La directive (UE) 2018/350 du 8 mars 2018 qui en résulte (Commission européenne, 2018a), modifiant la directive 2001/18/CE, tient compte des progrès techniques ainsi que de l’expérience acquise dans l’évaluation des risques environnementaux des plantes génétiquement modifiées.

La directive 2001/18/CE ainsi que le règlement (CE) n° 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés sont considérés comme le principal cadre juridique dans l’UE. Les OGM sont soumis à un examen réglementaire impliquant une procédure d’autorisation fondée sur une évaluation scientifique des risques pour la santé humaine et l’environnement. Cette approche réglementaire est définie par une combinaison du processus (technique) utilisé pour générer un OGM et des propriétés du produit qui en résulte. Des informations sur l’état des notifications au titre de la directive 2001/18/CE sont disponibles sur le site web du CCR (Centre commun de recherche, 2018a) et une liste complète des OGM autorisés sur le registre des OGM de l’UE (Commission européenne, 2018b).

Sur la base des mêmes principes que ceux définis dans la directive (UE) 2015/412, une proposition de règlement permettant aux États membres de restreindre ou d’interdire l’utilisation d’OGM à des fins alimentaires ou fourragères sur leur territoire a été adressée en mai 2015 au Parlement européen et au Conseil. Cette proposition modifie le règlement (CE) n° 1829/2003 : alors que le processus d’autorisation ne sera pas modifié, les États membres se verront attribuer un pouvoir décisionnel concernant l’utilisation de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux génétiquement modifiés sur leur territoire après qu’ils ont été autorisés au niveau de l’UE (mesures d’exclusion) (Commission européenne – Fiche d’information, 2015). Ces mesures ne peuvent pas être justifiées par des raisons, qui entrent en conflit avec l’évaluation des risques réalisée par l’EFSA, mais doivent être fondées sur des considérations différentes. Jusqu’à aujourd’hui, cette proposition n’a pas été retirée.

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