Lignes directrices pour la prise en charge des patients atteints de sténose aortique subissant une chirurgie non cardiaque : Out of Date and Overly Prescriptive | ICR Journal
Les patients atteints de sténose aortique sévère qui doivent subir une chirurgie non cardiaque (NCS) présentent un problème clinique difficile. Il est bien établi que leur taux de complications cardiovasculaires postopératoires est augmenté par rapport aux patients sans sténose aortique,1-3 mais leur prise en charge optimale reste incertaine. Les taux de prévalence rapportés pour la sténose aortique sévère vont de 3,4 % chez les sujets de plus de 75 ans à 18 % chez ceux de plus de 90 ans.4,5 Le vieillissement de la population et la volonté accrue, ces dernières années, d’entreprendre des interventions chirurgicales chez les personnes âgées signifient que ces patients sont confrontés à une fréquence croissante. Ces patients doivent faire l’objet d’une évaluation préopératoire minutieuse afin de déterminer la gravité de la sténose aortique, la présence ou l’absence de symptômes et les risques et avantages d’une CNS. Le principal défi consiste toutefois à décider quels patients doivent subir une intervention sur la valve aortique avant la NCS.
Les directives de pratique clinique les plus récentes de l’American College of Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA)6 et de la Société européenne de cardiologie (ESC)7 pour l’évaluation et la prise en charge cardiovasculaires périopératoires des patients subissant une NCS ont toutes deux été publiées en 2014. L’un de leurs principaux objectifs était de guider la prise de décision concernant l’intervention sur la valve aortique avant une NCS. Cela s’est avéré difficile car aucun essai n’a cherché à savoir si le risque cumulé d’une intervention sur la valve aortique suivie d’une NCS est inférieur ou non au risque d’entreprendre une NCS seule sans intervention valvulaire préalable. Pour cette raison, les deux directives s’appuient largement sur un consensus d’opinion (preuves de niveau C) et citent les directives de pratique clinique de leur propre société en matière de valvulopathie à l’appui de leurs recommandations. Ces recommandations méritent d’être examinées de plus près à la lumière des données d’essais contrôlés randomisés récemment publiées concernant l’efficacité de l’implantation de valve aortique transcathéter (TAVI) pour traiter la sténose aortique.
Résultats cliniques après NCS chez les patients atteints de sténose aortique
Les séries historiques de patients atteints de sténose aortique qui ont subi une NCS sans intervention préalable sur la valve aortique ont rapporté des taux élevés de complications cardiovasculaires postopératoires. Les résultats indésirables étaient plus fréquents avec l’augmentation de la gravité de la sténose aortique, avec la sténose aortique symptomatique plutôt qu’asymptomatique et avec la complexité croissante du NCS. Parmi les 108 patients atteints de sténose aortique qui ont subi une NCS dans un centre entre 1991 et 2000, par exemple,3 le taux d’infarctus ou de décès périopératoires était de 11 % chez les patients atteints de sténose aortique modérée (gradient moyen de 25 à 49 mmHg) et de 31 % chez les patients atteints de sténose aortique sévère (gradient moyen ≥50 mmHg). La sténose aortique a conféré un OR ajusté pour l’infarctus ou le décès périopératoire de 5,2 (IC 95 %) par rapport à 216 témoins appariés. Dans une série plus contemporaine de 634 patients appariés à 2 536 témoins1, le décès ou l’infarctus dans les 30 jours suivant la SOC était significativement plus fréquent chez les patients présentant une sténose aortique modérée (4,4 % contre 1,7 % ; p=0,002) et une sténose aortique sévère (5,7 % contre 2,7 % ; p=0,02) par rapport aux témoins. Les taux de décès ou d’infarctus chez les patients atteints de sténose aortique sévère symptomatique, de sténose aortique sévère asymptomatique et les témoins étaient respectivement de 8,3 %, 4,7 % et 2,7 %. La différence entre les témoins et les groupes d’étude était significative chez les patients symptomatiques (p=0,007) mais pas chez les patients asymptomatiques (p=0,2).
Lignes directrices de pratique clinique pour la prise en charge des patients subissant un NCS
Les lignes directrices de l’ACC/AHA et de l’ESC soulignent toutes deux l’importance des mesures générales dans la prise en charge des patients atteints de cardiopathie valvulaire non traitée qui subissent un NCS. En particulier, elles recommandent de choisir soigneusement le mode d’anesthésie, d’utiliser une surveillance hémodynamique invasive (ligne artérielle, échocardiographie transoesophagienne, etc.), d’éviter les changements rapides de l’état volumique, de traiter agressivement l’arythmie et de prodiguer des soins postopératoires de haute intensité en salle.
Les lignes directrices de l’ESC7 sont prescriptives avec leurs recommandations pour l’intervention préopératoire sur la valve aortique. Pour les patients présentant une sténose aortique sévère symptomatique, le remplacement de la valve aortique (AVR) est recommandé avant une NCS élective, à condition que la chirurgie valvulaire ne comporte pas de risque élevé. Chez les patients atteints de sténose aortique sévère symptomatique pour lesquels le remplacement de la valve aortique comporte un risque élevé, la valvuloplastie aortique par ballonnet (BAV) ou, de préférence, le TAVI « peut être une option thérapeutique raisonnable ». Il est recommandé que le choix entre TAVI et BAV tienne compte de l’espérance de vie et de l’urgence de la NCS. Pour les patients atteints de sténose aortique sévère qui sont asymptomatiques, les recommandations varient en fonction de la catégorie de risque de NCS (voir tableau 1). Il est recommandé d’entreprendre une AVR avant un NCS à haut risque, alors qu’aucune intervention sur la valve aortique n’est recommandée pour les patients subissant une chirurgie à risque faible ou intermédiaire, chez qui les risques du NCS sont jugés acceptables.8 Si une NCS à haut risque est prévue chez des patients présentant une sténose aortique sévère asymptomatique et présentant un risque élevé de RVA chirurgicale, il est recommandé de ne pratiquer une intervention chirurgicale élective que si elle est strictement nécessaire et en utilisant un suivi hémodynamique invasif.
Lignes directrices de l’ACC/AHA
Ces lignes directrices6 font la recommandation générale que l’intervention valvulaire est efficace pour réduire le risque périopératoire chez les adultes qui répondent aux indications standard pour une intervention valvulaire (remplacement ou réparation) sur la base des symptômes et de la gravité (recommandation de classe I, niveau de preuve C). Plus précisément, ils recommandent que les patients présentant une sténose aortique sévère symptomatique subissent une AVR avant une NCS élective. Pour les patients atteints de sténose aortique qui répondent aux indications d’une AVR mais qui sont considérés comme à haut risque ou inéligibles pour une AVR, les directives notent qu’il existe trois options : entreprendre une NCS avec une sténose aortique non traitée, une BAV et une TAVI. Les directives de l’ACC/AHA indiquent qu’il est raisonnable de réaliser une NCS élective à risque élevé (modéré) chez les patients présentant une sténose aortique sévère asymptomatique avec une surveillance hémodynamique peropératoire et postopératoire appropriée.
Des taux de mortalité procédurale de 2-3 % et des taux d’accidents vasculaires cérébraux de 1-2 % sont rapportés dans la littérature relative au BAV,9,10 et de petites séries de cas de patients présentant une sténose aortique qui ont subi une NCS après un BAV rapportent de faibles taux de complications post-chirurgicales.11,12 L’effet imprévisible du BAV sur la gravité de la sténose aortique et un taux de resténose de 50 % à 6 mois, associés à la réduction de la taille des gaines d’accès vasculaire pour le TAVI, font toutefois du BAV une option thérapeutique peu attrayante pour la plupart des patients atteints de sténose aortique. Néanmoins, les procédures sont courtes, elles nécessitent peu d’expertise technique ou d’équipement coûteux, elles provoquent rarement des troubles de la conduction et elles peuvent être organisées rapidement. Par conséquent, le BAV reste une intervention utile avant la NCS chez les patients atteints de sténose aortique sévère qui nécessitent une intervention chirurgicale urgente ou dont le pronostic à long terme est incertain.
En discutant de l’utilisation potentielle du TAVI, les directives de l’ACC/AHA citent les taux de mortalité à un an de la première étude PARTNER (Placement of Aortic Transcatheter Valves) : 24,2 % et 26,8 % pour le TAVI et la RVA dans la cohorte A, 30,7 % et 50,7 % pour le TAVI et le traitement médical dans la cohorte B13,14. Les résultats à 30 jours auraient peut-être été plus pertinents. Dans l’étude PARTNER A, la mortalité à 30 jours était de 3,4 % après TAVI et de 6,5 % après AVR (p=0,07). Pour la cohorte transfémorale, les chiffres « tels que traités » étaient de 3,7 % et 8,2 % (p=0,046). La durée moyenne de séjour était de 8 et 12 jours (p<0,001) après TAVI et AVR, respectivement. Les lignes directrices poursuivent en notant qu’il n’existe pas de données démontrant l’efficacité ou la sécurité du TAVI pour les patients souffrant de sténose aortique qui subissent un NCS. De même, cependant, il n’existe pas de telles données pour l’AVR chirurgicale.
Données contemporaines sur le TAVI
Trois importants essais contrôlés randomisés et de nouvelles données d’observation concernant l’utilisation du TAVI pour traiter la sténose aortique sévère ont été publiés depuis l’élaboration des lignes directrices de pratique clinique sur la gestion préopératoire.
Dans un essai contrôlé randomisé portant sur 795 patients à haut risque ayant un score moyen de 7,4 % selon la Society of Thoracic Surgeons (STS), le TAVI utilisant la prothèse auto-expansible Medtronic CoreValve® (Medtronic) a obtenu des résultats cliniques supérieurs à ceux de l’AVR.15,16 Les taux de mortalité toutes causes confondues pour le TAVI par rapport à l’AVR après 1 et 2 ans de suivi étaient respectivement de 14,2 % contre 19,1 % (p=0,04) et 22,2 % contre 28,6 % (p<0,05), tandis que les taux d’accidents vasculaires cérébraux à 1 an étaient de 8,8 % chez les patients TAVI contre 12.Dans l’essai Nordic Aortic Valve Intervention (NOTION), des résultats cliniques équivalents à un an après TAVI et AVR ont été démontrés chez 280 patients à faible risque (score STS moyen de 3 %).17 Les taux de mortalité toutes causes confondues étaient de 4,9 % et 7,5 % (p=0,38), tandis que les taux d’accidents vasculaires cérébraux étaient de 2,9 % et 4,6 % (p=0,44) après le TAVI et l’AVR chirurgical, respectivement.
L’essai PARTNER 2a, qui a étudié une population à risque intermédiaire pour l’AVR (score STS moyen 5.8 %), a été publié en avril 2016.18 L’incidence combinée de décès ou d’accident vasculaire cérébral était de 6,1 % contre 8,0 % (p=0,11) à 30 jours et de 14,5 % contre 16,4 % (p=0,24) 1 an après le TAVI et l’AVR, respectivement. Les taux d’événements étaient les plus bas chez les patients qui ont été répartis au hasard pour subir un TAVI par voie transfémorale (12,3 % à 1 an) et étaient significativement plus bas chez ces patients que chez les patients qui ont été répartis pour subir une AVR chirurgicale (15,9 % ; p=0,05). La durée médiane du séjour hospitalier après l’intervention était significativement plus courte après le TAVI qu’après l’AVR (6 jours contre 9 jours ; p<0,001). La régurgitation aortique de sévérité modérée ou supérieure était significativement (p<0,001) moins fréquente après AVR qu’après TAVI à tous les points de temps. L’essai PARTNER 2a, cependant, a été entrepris avec la prothèse SAPIEN XT de deuxième génération (Edwards Lifesciences), désormais semi-obsolète. Des données non randomisées ont régulièrement démontré de meilleurs résultats dans les cas utilisant la prothèse SAPIEN 3 (Edwards Lifesciences) de troisième génération, avec des taux à un an de fuite paravalvulaire (PVL) et de mortalité de 2,0 % et 6,5 %, respectivement, chez les patients à risque intermédiaire19.
Enfin, les données de registre relatives à la valve Lotus (Boston Scientific) provenant d’une petite cohorte de 112 patients à haut risque pour une AVR (score STS moyen de 7,1 %) ont démontré une PVL modérée ou plus sévère dans seulement 1 % des cas à 30 jours avec un décès ou un accident vasculaire cérébral invalidant survenant dans 5,9 % des cas.20
Maladie coronarienne et DAPT
Les directives de pratique clinique de l’ACC/AHA21 et de l’ESC22 pour la prise en charge des patients atteints de cardiopathie valvulaire recommandent que la maladie coronarienne significative (>70 % de réduction du diamètre luminal) soit traitée par un pontage aorto-coronarien (PAC) entrepris au moment de la RVA (niveau de preuve C). Les lignes directrices pour la prise en charge des patients subissant un NCS s’en remettent aux lignes directrices sur les cardiopathies valvulaires en ce qui concerne cette question. Ces directives ne font pas de recommandations pour la gestion de la coronaropathie chez les patients subissant un TAVI, si ce n’est qu’elles indiquent qu’une coronaropathie non traitée est une contre-indication relative au TAVI, en particulier chez ceux qui présentent une coronaropathie multivasculaire grave. Ce qui est clair, cependant, c’est qu’une bithérapie antiplaquettaire est nécessaire après une intervention coronarienne percutanée (ICP), mais pas nécessairement après des opérations combinées de CABG et d’AVR ou après un TAVI entrepris sans intervention coronarienne préalable. La bithérapie antiplaquettaire est couramment prescrite après un TAVI,13,14,18 mais il n’existe pas de directives fondées sur des preuves pour soutenir leur utilisation et, en général, les opérateurs n’ont pas les mêmes préoccupations concernant l’arrêt du traitement antiplaquettaire après un TAVI qu’après une ICP. Ainsi, la présence d’une coronaropathie significative est un facteur important lorsqu’il s’agit de décider quelle forme d’intervention sur la valve aortique doit être entreprise avant tout NCS qui ne peut pas être réalisé en toute sécurité chez les patients sous traitement antiplaquettaire.
Transposer les preuves en pratique
Les principales preuves pour le TAVI avant la publication des directives de pratique clinique actuelles pour la gestion périopératoire des patients subissant un NCS provenaient du premier essai PARTNER. Celle-ci a montré que le TAVI est au moins aussi efficace que l’AVR chez les patients présentant une sténose aortique sévère et présentant un risque élevé de complications liées à l’AVR. Depuis lors, d’autres données ont été publiées, qui ont consolidé le rôle du TAVI chez les patients à haut risque et montré que le TAVI est également sûr et efficace chez les patients à risque intermédiaire. Les directives actuelles recommandent que la sténose aortique sévère soit traitée avant toute forme de SNC chez les patients symptomatiques. Les directives européennes recommandent que la sténose aortique sévère soit également traitée chez les patients asymptomatiques qui doivent subir un NCS à haut risque. Le TAVI est recommandé comme option avant un NCS à haut risque uniquement chez les patients symptomatiques qui présentent un risque élevé de subir une AVR. Le TAVI n’est pas mentionné comme une option de traitement pour les patients asymptomatiques. Dans le contexte des patients qui doivent être traités pour une sténose aortique avant un NCS, le TAVI présente toutefois plusieurs avantages par rapport à l’AVR : le taux de mortalité procédurale est plus faible chez les patients à risque élevé et intermédiaire, il est moins invasif et le temps de récupération est plus rapide, ce qui facilite un NCS précoce après la procédure. En outre, les dernières itérations des prothèses TAVI nécessitent des gaines plus petites, ce qui promet de nouvelles réductions de la durée de séjour, avec la possibilité d’une sortie le lendemain dans certains cas, et des taux plus faibles de PVL apaisent certaines des préoccupations relatives aux résultats à long terme après TAVI.
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