Jacques Chirac, 1932-2019 : un bulldozer politique

Jacques Chirac, président de la France de 1995 à 2007, est décédé. Sa famille a annoncé son décès ce jeudi 26 septembre via l’Agence France Presse. « Le président Jacques Chirac s’est éteint paisiblement ce matin, entouré de ses amis et de sa famille », a déclaré Frédéric Salat-Baroux, le mari de la fille de Jacques Chirac, Claude.

Sa santé s’était dégradée depuis son départ de l’Élysée en 2007, notamment à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) survenu en 2005 lors de son second mandat présidentiel. En 2016, il a été hospitalisé pour une infection pulmonaire mais s’est rétabli.

Une longue carrière dans la fonction publique

Chirac est né à Paris en 1932, avec des racines dans le centre de la France. Il étudie à Sciences Po, à l’Institut d’études politiques et à l’École nationale d’administration (ENA). Pendant son séjour à Sciences Po, il prend une année sabbatique et étudie pendant un trimestre à l’université de Harvard. Vient ensuite le mariage avec Bernadette Chodron de Courcel, descendante d’une famille aristocratique, et le service militaire volontaire en Algérie.

Fonctionnaire engagé, Chirac travaille sans relâche et parvient à grimper rapidement dans le monde de la politique. En 1962, il rejoint le cabinet du Premier ministre de l’époque, Georges Pompidou, qui appelle affectueusement Chirac « mon bulldozer ». Lors des élections législatives de 1967, il se présente aux élections dans la région de la Corrèze. Alors que le bureau était depuis longtemps détenu par le Parti communiste français, Chirac fait activement campagne et, contre toute attente, gagne.

Jacques Chirac et sa famille durant les années 1970. Flashback/Flickr

A l’âge de 35 ans, Chirac est nommé secrétaire d’État à l’emploi par Pompidou, et en 1974, il est nommé ministre de l’intérieur. Lors de l’élection qui suit la mort du président Georges Pompidou, Chirac soutient Valéry Giscard d’Estaing et devient Premier ministre lorsque celui-ci l’emporte. En fonction, Chirac supervise un grand nombre des grandes réformes de la France du début des années 1970 : réduction de l’âge de la majorité à 18 ans, réforme de l’audiovisuel, divorce par consentement mutuel et légalisation de l’avortement, une mesure menée par la ministre de la santé de l’époque, Simone Veil.

Au fil du temps, les relations de Chirac avec Giscard d’Estaing deviennent toutefois difficiles, et il démissionne en 1976. L’année suivante, il est élu maire de Paris après une bataille acharnée, ce qui lui donne un bastion pour l’action politique. Il occupera cette fonction jusqu’en 1995.

Opposant en chef

Chirac lance sa première campagne présidentielle en 1981, mais arrive au premier tour derrière Giscard d’Estaing, qui se représente. Le socialiste François Mitterrand remporte le second tour, et sera président jusqu’en 1995.

Après la victoire de Mitterrand, Chirac devient le chef de l’opposition. Lorsque le parti conservateur RPR remporte le plus grand nombre de sièges aux élections législatives de 1986, Mitterrand est obligé de le choisir comme Premier ministre, lançant ainsi la toute première « cohabitation » politique en France. Pendant cette période, Chirac mène une politique économique libérale, avec notamment de nombreuses privatisations et la suppression d’un impôt sur la fortune.

Affiche de campagne du parti RPR de Jacques Chirac en 1986. DR

La popularité de Chirac s’était pourtant fortement dégradée. Mitterrand est facilement réélu à la présidence en mai 1988, tandis que Chirac ne réalise que des scores modestes (19,9% au premier tour et 44,0% au second). Son temps en tant que premier ministre était terminé.

La troisième fois, le charme

Après sept ans hors de la politique nationale, la troisième chance de Chirac de devenir président est venue en 1995. Au premier tour de l’élection présidentielle de cette année-là, Chirac est opposé au conservateur Édouard Balladur. Malgré des sondages décourageants, Chirac arrive en tête – 20,8 % contre 18,6 % – et est facilement élu au second tour face au socialiste Lionel Jospin. Au cours de la campagne, Chirac a révélé une force importante et même de l’obstination pour atteindre la plus haute fonction du pays.

Le premier mandat de Chirac en tant que président a cependant été tout sauf facile. Son premier ministre, Alain Juppé, s’est concentré sur les coupes budgétaires, et ses tentatives de réforme des retraites et de la sécurité sociale ont été accueillies par des grèves dans tout le pays à l’automne 1995.

Avec sa popularité en baisse, Chirac prend la décision surprise en avril 1997 de dissoudre l’Assemblée nationale, espérant obtenir une majorité plus forte. Il perd son pari et est contraint à une « cohabitation » avec le Parti socialiste. Lionel Jospin devient Premier ministre, exerçant un pouvoir considérable pendant les cinq dernières années du premier mandat de Chirac.

Réélu avec 82% des voix

Chirac s’adresse à la nation en réponse aux émeutes de 2005 en France. HJalbert Gagnier/Flickr

L’élection de 2002 a marqué un tournant pour la France à plusieurs égards. On s’attendait à ce que le Premier ministre sortant, Lionel Jospin, parvienne au second tour, mais il a été devancé par Jean-Marie Le Pen du parti d’extrême droite Front national, 16,9 % contre 16,2 %. Au second tour, Chirac l’emporte facilement contre Le Pen, 82,2% contre 17,8%.

La réélection de Chirac lui permet de reconstruire l’unité à droite de l’échiquier politique, avec le lancement d’un nouveau parti politique, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP). En tant que président, Chirac fait passer toute une série de lois, notamment la baisse de l’impôt sur le revenu, l’amélioration de la sécurité routière et des mesures en faveur des handicapés. Cependant, sur la scène internationale, son administration se distingue surtout par son orientation anti-américaine. Le refus de la France de participer à l’intervention militaire de 2003 en Irak a été un moment extrêmement important.

Au cours de son mandat, Chirac est devenu de plus en plus pro-européen, et a espéré voir la France ratifier le projet de Constitution européenne par référendum – un projet qui sera rejeté en 2005.

Après s’être retiré de la politique, Jacques Chirac (ici en 2011), était une figure populaire. Bryan Pelz/Flickr

Chirac a quitté le pouvoir en 2007 et s’est consacré, à la retraite, à la prévention des conflits internationaux, au développement durable et au musée du quai Branly, dont il avait piloté la création 10 ans plus tôt. Il a également fait partie du Conseil constitutionnel français jusqu’en 2010.

Après une vie de service public, on se souviendra de Chirac comme d’un homme qui aimait se rapprocher du public et qui n’hésitait pas à se rendre au Salon de l’agriculture annuel en France, l’un des plus grands salons agricoles du monde. Il était également un ardent défenseur des valeurs républicaines de la France, et œuvrait sur la scène internationale pour faire entendre la voix de la France et défendre un monde multipolaire.

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