Imitation différée

L’imitation différée consiste à observer un modèle et à reproduire des aspects importants du comportement du modèle après une période significative. Jean Piaget a proposé que l’imitation différée, tout comme le langage, l’imagerie et le jeu symbolique, soit une indication de la fonction symbolique (ou sémiotique). Bien que Piaget ait déclaré que l’imitation différée émerge vers l’âge de 18 mois, des recherches plus récentes ont indiqué une imitation différée pour des comportements simples dès l’âge de 6 ou 9 mois, bien que la complexité des actions imitées augmente avec l’âge.

La durée du délai pendant lequel les comportements peuvent être imités augmente également avec l’âge. Par exemple, Andrew Meltzoff (1985) a rapporté que 45% des enfants de 14 mois et 70% des enfants de 24 mois étaient capables de différer l’imitation sur 24 heures. Patricia Bauer et ses collègues (2000) ont évalué l’imitation sur des délais allant de 1 à 12 mois. Ils ont montré à des nourrissons une série de séquences en trois étapes ; par exemple, le modèle a placé une barre sur deux poteaux, a suspendu une assiette à la barre, puis a frappé l’assiette avec un maillet. Environ la moitié des enfants de 9 mois testés ont imité des actions plus simples à deux séquences après un mois de retard, bien que ces enfants aient dû être exposés au moins trois fois à ces événements avant de les imiter. Le taux d’imitation différée augmentait considérablement chez les nourrissons de 13, 16 et 20 mois, les nourrissons plus âgés affichant des niveaux de performance plus élevés que les plus jeunes pendant chaque intervalle de retard. En fait, à 20 mois, les enfants se souvenaient d’actions individuelles pendant aussi longtemps que 12 mois.

Certains ont émis l’hypothèse que l’imitation différée reflète une forme non verbale de mémoire explicite. La mémoire explicite, ou déclarative, fait référence à la mémoire qui est disponible à la conscience, comme le reflètent les tests de rappel chez les enfants et les adultes verbaux. Elle s’oppose à la mémoire implicite, ou non déclarative, qui est une mémoire non consciente. Des recherches menées auprès d’adultes amnésiques viennent étayer la position selon laquelle l’imitation différée reflète un type de mémoire explicite. Les adultes présentant des lésions cérébrales spécifiques (généralement au niveau de l’hippocampe) sont incapables de former de nouveaux souvenirs explicites, bien qu’ils soient encore capables de former de nouveaux souvenirs implicites. Par exemple, après avoir pratiqué des tâches motrices compliquées pendant plusieurs jours, leurs performances s’améliorent considérablement, bien qu’ils n’aient aucun souvenir conscient (c’est-à-dire explicite) d’avoir effectué ces tâches auparavant. Ces patients atteints de lésions cérébrales obtiennent des résultats similaires (et médiocres) dans les tâches de mémoire explicite et d’imitation différée, ce qui suggère que l’imitation différée utilise le même système de mémoire que les tâches de mémoire explicite plus conventionnelles, ce qui implique que les nourrissons dans leur première année de vie possèdent au moins les rudiments de la cognition explicite.

La preuve de l’imitation différée comme une forme non verbale de mémoire déclarative peut être particulièrement importante dans la recherche comparative avec les primates, en enquêtant sur les origines phylogénétiques possibles des capacités cognitives uniques des humains. Michael Tomasello (2000) a fait valoir que la véritable imitation exige que l’observateur ne se contente pas de répéter les actions du modèle, mais qu’il comprenne le but ou l’intention de ce dernier. Des preuves d’imitation différée d’actions sur des objets ont été observées chez les chimpanzés (Pan troglodytes), mais uniquement chez ceux qui ont été enculturés, ou élevés par des humains, comme le sont les enfants. De plus, des recherches longitudinales sur l’imitation différée chez des chimpanzés enculturés ont montré que ces capacités augmentent avec l’âge, les chimpanzés plus âgés étant capables de comportements d’imitation plus complexes, comme chez les nourrissons humains. Ces résultats suggèrent que les chimpanzés, et peut-être l’ancêtre commun des chimpanzés et des humains, possèdent la capacité rudimentaire de représentation pour la cognition explicite.

L’imitation différée a été reconnue comme reflétant des capacités cognitives importantes chez les enfants, en commençant par les travaux de Piaget. Des recherches plus récentes indiquent que les capacités de représentation sous-jacentes à l’imitation différée se retrouvent chez des nourrissons beaucoup plus jeunes que ce que proposait Piaget et peuvent être possédées, dans certaines circonstances, par le parent génétique le plus proche de l’homme, le chimpanzé.

  1. Bauer, P. , Wenner, J. A., Dropik, P. L., & Wewerka, S. S. (2000). Paramètres de la mémorisation et de l’oubli dans la transition de la petite enfance à l’enfance précoce. Monographies de la Société pour la recherche sur le développement de l’enfant, 65(4, numéro de série 263).
  2. Bjorklund, F., & Bering, J. M. (2003). Une note sur le développement de l’imitation différée chez les chimpanzés juvéniles enculturés (Pan troglodytes). Developmental Review, 23,389-412.
  3. McDonough, , Mandler, J. M., McKee, R. D., & Squire, L. R. (1995). La tâche d’imitation différée comme une mesure non verbale de la mémoire déclarative. Proceedings of the National Academy of Sciences, 92, 7580-7584.
  4. Meltzoff, N. (1985). Imitation immédiate et différée chez les nourrissons de quatorze et vingt-quatre mois. Child Development, 56, 62-72.
  5. Piaget, (1962). Le jeu, les rêves et l’imitation dans l’enfance.New York : W. W. Norton.
  6. Tomasello, (2000). Culture and cognitive development.Current Directions in Psychological Science, 9, 37-40.
  7. Tomasello, , Savage-Rumbaugh, S., & Kruger, A. C. (1993).Imitative learning of actions on objects by children, chimpanzees, and enculturated chimpanzees. Child Development, 64, 1688-1705.

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