Guillaume de Machaut
Technique musicale
La technique musicale de Machaut représente l’ars nova, ou musique nouvelle, du XIVe siècle, défendue par Philippe de Vitry dans la génération précédente. Elle emploie le duple mètre à côté du triple mètre précédemment exploré ; la triade ; l’isorythme, c’est-à-dire un motif rythmique long appliqué à des phrases mélodiques changeantes ; et un rythme complexe, souvent syncopé. Machaut semble également avoir introduit des artifices tels que la lecture à rebours d’une mélodie ; et ses chansons accompagnées – une mélodie accompagnée par deux instruments – sont les premières du genre à nous parvenir, puisque celles de Philippe de Vitry sont perdues.
Dans son Remède de fortune, Machaut enseigne plusieurs types de formes, parmi lesquelles le lai, la plainte, la chanson royale et les formes fixes. Ses lais sont en 12 strophes, chacune subdivisée en deux ou quatre paires de lignes, chantées sur la même mélodie ; toutes les paires de lignes diffèrent en longueur et en rythme, et donc mélodiquement, sauf que la dernière strophe est chantée sur la musique de la première. Des 25 lais de Machaut 19 sont mis en musique, monophoniquement (pour une seule voix non accompagnée), mais dans deux d’entre eux les strophes monophoniques alternent avec des strophes canoniques (du type de la ronde moderne, alors appelée chace).
La plainte est un poème de plusieurs (30-50) strophes de 4X4 lignes chacune. Lorsqu’elle est chantée – seule une des quelque 15 de Machaut est mise en musique (monophonique) – toutes les strophes sont chantées sur la même musique, chaque strophe tombant dans deux sections répétées.
La chanson royale est un poème de 5 strophes de 8-11 lignes et un refrain de 3-4 lignes. Une seule des huit chansons royales de Machaut est mise en musique (monophoniquement).
La ballade, le virelai et le rondeau sont des formes apparentées, toutes dérivées de la danse, bien que seuls certains rondeaux soient encore liés à la danse à l’époque. Tous comportent un refrain qui est répété dans toutes les strophes et peut comprendre 6 à 20 lignes ou plus. La plupart de ces poèmes sont mis en musique : 20 des 21 rondeaux, chacun pour une partie chantée et une à trois parties instrumentales ; 32 des 38 virelais, la plupart monophoniques, mais certains pour la voix plus un ou deux instruments ; et 42 ballades, la plupart pour la voix et un ou deux instruments.
À ces types, il faut ajouter le motet, le hocket et la messe. Le motet, créé peu avant 1200 comme une œuvre liturgique, est rapidement devenu le principal type de musique d’art profane sérieuse. Les motets de Machaut sont parmi les plus ingénieux du siècle. Alors que l’isorythme n’apparaît que rarement dans les ballades et les rondeaux et pas du tout dans les autres types de formes décrites ci-dessus, il est omniprésent dans les motets. Ils sont tous écrits pour deux parties chantées – sur des textes différents, deux, en fait, sur un texte français et un texte latin simultanément – et une ou deux parties instrumentales. La majorité sont profanes, mais certains sont liturgiques.
Le hocket David est l’une des dernières œuvres, et la plus longue, d’un type créé au cours du XIIIe siècle. Dans un hocket, deux parties donnent alternativement des bribes d’une mélodie, ici au-dessus d’un cantus firmus (mélodie préexistante) isorythmique.
La messe de Machaut est probablement l’œuvre musicale exceptionnelle de tout le XIVe siècle. Il s’agit d’une mise en musique polyphonique de l’ensemble de l’ordinaire de la messe (les parties chantées à chaque messe, sauf à la messe de Requiem, la messe des morts), composée de six sections : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, et Ite Missa Est (la dernière section est rarement mise en musique par d’autres compositeurs). Seule une telle mise en musique complète, la Messe de Tournai (ca. 1300), compilée à partir de divers compositeurs, est antérieure à celle de Machaut, et elle n’est pas comparable sur le plan artistique. La Messe de Machaut a peut-être été composée pour les fêtes mariales dans une chapelle desservie par les frères Machaut dans les années 1350 (mais elle n’a pas été, comme on le dit souvent, écrite ou chantée lors du couronnement du roi Charles V en 1364). Les longs textes du Gloria et du Credo sont mis en place simplement dans le style des accords, chacun étant suivi d’un Amen élaboré. Toutes les autres sections sont composées dans le style du motet isorythmique. La quasi-totalité de l’œuvre est écrite en quatre lignes mélodiques, pour les voix et les instruments, et toutes les sections sont unifiées par un motif omniprésent, une technique qui n’a pas été employée avant ou dans les 60 années suivantes environ.
Il n’y avait personne en France pendant la seconde moitié du 14ème siècle et le premier quart du 15ème pour approcher même de loin l’éminence musicale de Machaut. En fait, tous les compositeurs ont suivi son exemple et ont adopté son style, ne le développant que par rapport à une complexité de plus en plus maniérée, qui correspond au style gothique tardif, ou maniéré, de l’architecture prévalant à cette époque.
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