Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac
Antoine Laumet, dit « de Lamothe Cadillac », explorateur, seigneur en Acadie, commandant du fort Michilimackinac, fondateur de Détroit et de la première colonie en Ontario, gouverneur de la Louisiane (né le 5 mars 1658 à Saint-Nicolas-de-la-Grave, France ; mort le 16 octobre 1730 à Castelsarrasin, France).
Origines et début de carrière
On sait peu de choses sur Cadillac avant son arrivée au Canada vers 1683. Après avoir débarqué en Acadie, il s’installe à Port Royal (Nouvelle-Écosse). Cadillac sert alors pendant quelques années sur un navire du corsaire François Guyon (Guion), chargé de la défense des côtes acadiennes contre les navires britanniques. Lorsqu’il était dans la ville de Québec, Cadillac rendait fréquemment visite à la famille Guyon et, en 1687, il épousa la nièce de François, Marie-Thérèse Guyon. Au moment de son mariage, Cadillac ment sur ses origines en prétendant qu’il est « Antoine de la Mothe, cavalier, sieur de Cadillac, âgé de 26 ans, fils de Jean de la Mothe, seigneur dudit Cadillac, de Launay et de Montet, conseiller au Parlement de Toulouse, et de dame Jeanne de Malenfant ». En fait, sa famille n’a jamais possédé de seigneurie et ses parents n’appartiennent pas à la noblesse. Son père, Jean Laumet, était un petit magistrat provincial et sa mère, qui s’appelait en réalité Jeanne Péchagut, était issue d’une famille bourgeoise.
En 1688, Cadillac revient en Acadie, et le marquis de Denonville, gouverneur de la Nouvelle-France, lui accorde la seigneurie de Douacques (qui deviendra la ville de Bar Harbor dans l’État du Maine). Il s’y installe, mais en 1690, sa maison est détruite par l’armée de William Phips lors de l’attaque de Port Royal. L’année suivante, Cadillac revient à Québec et Frontenac le prend comme lieutenant des Troupes de la Marine (les troupes régulières coloniales). En 1693, après avoir présenté un rapport détaillé sur la topographie de la Nouvelle-Angleterre avec le cartographe Jean-Baptiste-Louis Franquelin, Cadillac est promu au grade de capitaine. En 1694, Cadillac devient commandant du fort de Buade (également connu sous le nom de fort Michilimackinac), situé à la jonction des lacs Huron et Michigan. Ce poste militaire et commercial était d’une importance cruciale en raison de la guerre avec les Iroquois qui faisait rage à cette époque. Cependant, Cadillac était plus intéressé par le commerce des fourrures et la vente d’alcool que par la stratégie militaire, et il s’avéra être un piètre commandant.
La colonie de Détroit
Cadillac partit en France en 1698 pour soumettre à son grand plan de colonisation la région de la Nouvelle-France connue sous le nom de Pays-d’en-Haut, « l’arrière-pays » où les voyageurs se rendaient pour commercer. L’endroit que Cadillac a choisi pour la colonie était situé le long d’un détroit, une voie d’eau étroite qui relie deux plans d’eau (aujourd’hui le lac Érié et le lac Sainte-Claire). Dans les écrits de l’époque, on faisait référence au « détroit », et c’est pourquoi le détroit a été connu plus tard sous le nom de rivière Détroit.
Ce que Cadillac espérait établir n’était pas un fort comme celui qu’il avait commandé à Michilimackinac, mais plutôt une petite colonie française. Le ministre français de la Marine, Jérôme Phélypeaux, Comte de Pontchartrain, donne son approbation au projet en 1700. Cadillac quitte Montréal le 5 juin 1701, et il lui faut près de deux mois pour atteindre le détroit. Il arrive le 24 juillet, accompagné de son premier lieutenant Alphonse de Tonty, du Récollet Constantin Delhalle et du Jésuite François Vaillant de Gueslis, ainsi que de 50 soldats et 50 colons. Cadillac construit le fort Pontchartrain (la future ville de Détroit) sur la rive nord et, en 1744, une mission (voir Missions et missionnaires) est fondée sur la rive sud de la rivière Détroit (la future ville de Windsor).
Cependant, l’ambition de Cadillac ne s’arrête pas là. Il demande que les avant-postes de l’Ouest aient le droit de se gouverner eux-mêmes, mais sa proposition est combattue par le gouverneur de la Nouvelle-France, Philippe de Rigaud de Vaudreuil, et devient une source de conflit entre les deux hommes. En 1708, un rapport soumis au ministre Pontchartrain montre que la colonie établie par Cadillac n’a pas obtenu les résultats promis. En sept ans, elle n’a attiré que 62 colons, et seulement 353 arpents de terre ont été défrichés. De plus, loin de resserrer les liens entre les Français et les peuples autochtones de l’Ouest, la politique de Cadillac avait entraîné de violents affrontements entre les différents groupes (Hurons, Odawas et Miamis) qui s’étaient installés dans le détroit. De plus, la présence du fort n’a eu aucun impact sur le flux des fourrures vers New York.
En somme, la colonie de Détroit ne s’est pas développée de façon significative sous le commandement de Cadillac. Bien que le projet ait été l’idée de Cadillac, ce sont les mesures prises par le gouverneur La Galissonière en 1749 – près de 50 ans plus tard – qui ont encouragé la colonisation le long du détroit. En 1710, Cadillac est nommé gouverneur de la Louisiane, la plus pauvre des colonies françaises. Il n’y arrive qu’en 1713, lorsqu’il se dispute avec l’ordonnateur de la colonie (qui remplit la même fonction qu’un intendant au Canada). Cadillac est rappelé en France en 1716, et il s’embarque pour la traversée à l’été 1717. En 1723, il acquiert le poste de gouverneur de Castelsarrasin, une petite ville proche du village où il est né. Il meurt à Castelsarrasin le 15 octobre 1730.
Cadillac : Héros exalté, scélérat complet ou père méconnu de l’Ontario français ?
Les historiens ont des sentiments mitigés à l’égard de Cadillac. Agnès Laut le considère comme « l’un des rares grands héros précoces de l’histoire de l’Amérique du Nord », tandis que William John Eccles parle de lui comme « l’une des pires canailles qui aient jamais mis le pied en Nouvelle-France. » La vérité se situe probablement quelque part entre les deux.
Gaétan Gervais et Michel Bock, tous deux historiens franco-ontariens, déplorent le fait que Cadillac « n’a pas été à la hauteur de sa mission » . Ils reconnaissent cependant que « Détroit fut la première colonie permanente des Pays-d’en-Haut » . Gervais et Bock admettent que Cadillac n’était pas l’homme le plus éthique, qu’il ne s’intéressait qu’à son profit personnel lorsqu’il faisait du commerce avec les Anglais de New York, et que ses interactions avec les peuples autochtones et les missionnaires étaient désastreuses. Néanmoins, ils le considèrent comme une figure de proue de la colonisation de Détroit. En revanche, Robert Choquette est plus critique à l’égard de l’héritage de Cadillac, soutenant que l’Assomption du Détroit (une mission fondée en 1744 sur le site de l’actuelle Windsor) a été » la première colonie française permanente en Ontario qui a survécu jusqu’à ce jour » .
Néanmoins, il est juste de dire que les réalisations de Cadillac ont dépassé celles de ses prédécesseurs qui ont fondé le fort Frontenac à Kingston, le fort Conti sur la rivière Niagara et le fort de Buade, car c’est la vision de Cadillac qui a stimulé la colonisation de l’Ouest. Les colons qui l’accompagnaient n’ont pas tardé à découvrir et à défricher les terres fertiles de la rive sud de la rivière Détroit. De nombreuses familles pionnières du sud-ouest de l’Ontario, dont les familles Chauvin, Janis, Campeau, Renaud, Rivard et Réaume, se sont établies dans cette région. C’est aussi l’emplacement de la première paroisse (1767) et de la première école (1786) en Ontario. Cadillac, le père méconnu de l’Ontario français, a certainement un long héritage.
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